Les Narcisses blancs
Sylvie Wojcik
Jeanne et Gaëlle se rencontrent par hasard, un soir d’orage et de tempête, dans un gîte d’étape sur les sentiers de Compostelle. Spontanément, elles prennent la route ensemble. Très vite, elles quitteront ce chemin de randonnée bien tracé pour un autre chemin, au cœur de l’Aubrac, de ses pâturages et de ses champs de narcisses. Ce chemin dans un milieu à la fois dur et enchanteur les ramènera chacune à son histoire, son passé, sa raison de vivre. Elles ne sont pas là pour les mêmes raisons, mais au bout de leur quête, c’est pourtant le même besoin de lumière et de paix qui les fait avancer. Tout semble les opposer, une différence d’âge, d’éducation, de milieu social, mais, de ces différences, naîtront une grande proximité, une force qui les nourrira l’une et l’autre.
Roman sur le dépassement de soi, sur la puissance des rencontres et sur le grandiose d’une nature sublimée, Les Narcisses blancs nous embarque avec grâce au cœur de cette région magnifique et sauvage qu’est l’Aubrac.
Lauréat du Prix Chronos de Littérature 2023, catégorie « lycéens, 20 ans et + »
Finaliste du Prix littéraire des lycéens, apprentis et stagiaires de la formation professionnelle Île-de-France 2022-2023
Lire un extrait
Les Narcisses blancs
Sylvie Wojcik
Depuis  qu’elle  avait  trouvé  ce  magazine  un  soir  d’errance  dans  le  dernier  tram,  Gaëlle  élaborait son plan. Elle quitterait Ludo, leur squat de la ruelle aux pinsons et leurs rêves qui s’épuisaient sur un bout de trottoir, pour suivre le tracé rouge de la carte, de point en point. Des noms qui ne lui disaient rien mais qu’elle récitait tout bas comme un poème prenant peu à peu corps avec elle. 
Elle  gardait  précieusement  sur  elle  quelques  billets de banque qu’elle s’était juré de ne pas partager. De quoi acheter un aller simple en seconde classe et un peu plus encore. C’était l’argent volé l’hiver dernier à la petite vieille de la maison d’en face, sans remords parce qu’elle la trouvait laide, parce  qu’elle  la  trouvait  vieille  et  parce  que  les  vieux, de toute façon, elle ne les aimait pas. 
À l’aube d’un matin d’avril, dans la villa abandonnée, Gaëlle ouvrit son duvet et enjamba les corps  endormis  à  même  le  sol.  Dehors,  le  nez  au  vent,  les  cheveux  ramenés  en  boule  sous  sa  casquette, elle zigzaguait dans les herbes folles le long de la voie ferrée. Elle avait accroché, sur le rabat de son sac à dos, une coquille trouvée dans une poubelle et lavée dans l’eau du canal. Sur le quai, l’autorail de six heures, emmitouflé dans la brume, attendait.
