Le 17, appel d’urgence (Police)
Laurent Kaczor
Livre épuisé« Alors, comment ils sont ? »
C’est étonnant le nombre de gens qui, apprenant que je fais un reportage sur la police-secours, me posent cette question.
Quelle étrange curiosité autour de ce service, pourtant public. Que cache-t-elle d’ignorance, de crainte, de rejet ?
Cette simple interrogation aura été durant deux ans la motivation de ma présence à leur côté.
Je n’avais aucun a priori avant de monter pour la première fois dans un véhicule sérigraphié, mais un but : faire ressortir l’humanité de ces hommes et femmes, que beaucoup ne considèrent qu’à travers leur fonction.
Pour cela, il me fallait vivre, manger, vibrer ou m’ennuyer avec eux. Dans certaines villes, j’ai passé jusqu’à deux mois en leur compagnie, ce qui m’a permis de m’intégrer pleinement dans les équipes, de m’y faire accepter et aussi oublier. De voir la réalité du terrain, celle qu’on peut connaître lorsque plus personne ne fait attention à vous. On ne peut pas tricher pendant des jours, des semaines.
Il fallait aussi sortir de la caricature : en effet, soit on met en avant les erreurs, les brutalités, en oubliant l’immense majorité des interventions qui se déroulent bien, soit on montre les services spécialisés, suréquipés et... tellement plus photogéniques...
Tout en voulant éviter la gratuité du spectaculaire, j’attendais les situations dramatiques, et ce, pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’on ne peut pas témoigner de ce métier en ignorant la violence, la mort, la détresse. Ensuite parce que suivre les patrouilles de police, ce n’est pas à proprement parler un sujet photographique. La majeure partie de leur travail - aussi surprenant que ça puisse paraître - s’apparente à de l’action sociale. Désamorcer les conflits, négocier, rassurer... quoi de moins visuel ?
Je pensais en moi-même, vaguement inquiet, que ça ne serait pas facile d’en faire un livre... Mais le sentiment d’avoir quelque chose à dire, voire à défendre, était présent. Avec toujours cette volonté de valoriser l’humain, sans glorifier l’institution. Je m’y suis accroché.
Alors...
Alors merci Mika, Christophe, Gilles, Éric, Carole et les autres, pour m’avoir permis de vivre ces instants à vos côtés. D’avoir été vous-mêmes, simplement. J’espère que les images que vous m’avez offertes parleront pour vous, et de votre métier.
Je n’apporte pas de réponse à la question : « Comment ils sont ? », car personne ne le pourrait. Mais j’aimerais que ceux qui découvriront ces pages n’aient plus, à l’avenir, à se la poser.