Le Chemin de Macau

Jean-Marie Planes

Jean-Marie Planes est homme de goût et n’a pas celui de parler de lui. Mais il aura suffi d’une lettre très officielle lui signifiant son congé d’un appartement qu’il occupait depuis trente ans, pour que, tout à coup, se dessinent à l’estompe, tous les lieux qui ont jalonné son parcours.

Sans chronologie, sans ordre apparent, si ce n’est celui du cœur, nous feuilletons avec lui cet album de famille, récapitulation d’une vie par les endroits qui en furent, quelquefois le centre, le refuge, et d’abord l’appartement bordelais de la rue Duffour-Dubergier, lequel, soit dit en passant, fut aussi celui de la famille Mauriac. « C’est là, écrit François Mauriac dans Commencement d’une vie, que je suis né à la vie consciente ». On aura compris que la présence de cet illustre prédécesseur ne sera pas anodine. Car les lieux gardent en eux les traces de ceux qui les ont investis, un temps, fugacement parfois, puis les restituent, dans le silence d’un après-midi d’été, à l’heure de la sieste, dans une charteuse d’assez belle facture, à Macau par exemple. Faut-il toutes les citer ces maisons de la vie ? Celles de l’enfance bien sûr, les plus importantes peut-être, puis les autres. Maisons de famille, chalet arcachonnais, appartements. Et une géographie commune : Un mouchoir de poche, dessiné par une main d’enfant sur une carte du Sud-Ouest. Bordeaux, Caudéran, la côte Basque, Fronsac, Macau. On s’enracine dans les mêmes lumières, les mêmes odeurs. Seule change l’avancée du temps. Il y a les ombres légères, les effrois d’enfant, le rire d’une mère, la tendre complicité d’une grand-mère, les premières lectures, les absents. Ceux qui s’éloignent, pour toujours.

Le chemin de Macau mêle, avec élégance, humour et émotion, tous ces moments de vie. D’une vie.

Image de couverture de Le Chemin de Macau
Collection : 1er Mille
janvier 2017
128 pages - 17 €
Dimensions : 13 x 19 cm
ISBN : 9782363081230
9782363081230

Lire un extrait

Le Chemin de Macau

Jean-Marie Planes

C’était une simple feuille blanche, pliée en deux, que j’ai trouvée, un soir, en rentrant à la maison. Dans la boîte aux lettres, elle était mêlée à toutes sortes de prospectus, journaux publicitaires, catalogues de supermarché. J’ai failli lui assigner, comme immédiate destination, la poubelle.
Me Fauvette, huissier de justice, m’informait qu’il me signifiait (le second verbe m’eût sans doute suffi) « un congé Art. 15 / 2 de la loi du 06 / 07 / 1989, vente du logement, en date du mardi vingt-neuf mai deux mille sept ». Cela, en majuscules, en gras, sans les tirets nécessaires, et à la demande de mes propriétaires, deux dames, deux soeurs, dont les noms suivaient. Me Fauvette ajoutait aimablement qu’en mon absence la copie de cet acte avait été déposée en son étude où elle était « à ma disposition ». Il m’adressait ses « sincères salutations ». Comme souvent, je n’ai pas compris sur-le-champ ce qui m’arrivait. J’ai dû m’asseoir, allumer une cigarette, me servir un whisky, relire, incrédule mais plus attentif, ce poulet jargonneux. C’est difficilement que je me rendis à l’évidence : on me mettait à la porte de chez moi.
Surprise absolue ? Non, la menace rôdait. Le syndic de l’immeuble, plusieurs mois auparavant, m’avait alerté. Sans héritiers, ces dames songeaient à vendre. Elles n’y étaient pas décidées. Elles avaient supporté avec contrariété le ravalement de l’immeuble à quoi les avait astreintes le premier magistrat de Bordeaux dont elles parlaient sans tendresse, mais la tendresse ne semblait pas appartenir à leur répertoire affectif. Le maire en eut moins à souffrir que le locataire. L’une des dames était néanmoins attachée à cette maison, la maison de son père, de son enfance, et, par là, me dit-on, était très hésitante. Ensuite, j’avais reçu une visite, l’autre dame, flanquée de plusieurs personnes qui ne me furent pas présentées.On ouvrait les placards, on prenait force mesures, force photos. Je m’étais alarmé : « Vous photographiez mes meubles, mes objets ? – N’ayez pas d’inquiétude, ce n’est pas pour une revue de décoration ! » À Mlle W., visage figé, hostile, méprisant plutôt, sous ce qui m’avait paru être une perruque, j’avais demandé : « Songez-vous réellement à vendre ? » Réponse évasive, élusive. Pas pour l’instant. De toute façon, que je me rassure, je serais prévenu. Je remerciai. C’est donc Me Fauvette qui me prévenait, ou plutôt qui m’informait qu’il me signifiait.

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