Déconnectez-vous !

Comment rester soi-même à l’ère de la connexion généralisée

Rémy Oudghiri

édition revue et augmentée

Aujourd’hui, internet nous accompagne toujours et partout. Où que nous soyons, grâce à nos téléphones portables, nous pouvons nous connecter à tout moment. Conséquence : nous ne savons plus nous déconnecter. D’où une addiction maladive aux messages, un oubli de la présence de l’autre, un état de distraction chronique, voire un manque d’efficacité et de présence au monde…
Pour certains, la connexion est un réflexe mécanique : elle a perdu toute signification. On se connecte… sans même savoir pourquoi !
Le temps est venu d’apprendre à vivre avec les nouvelles technologies. Un mouvement en faveur de la « déconnexion » est en train d’émerger dans nos sociétés. Ici et là, des individus commencent à ralentir le rythme. Ils n’hésitent plus à « débrancher » temporairement leurs appareils électroniques. Leur objectif ? Reprendre le contrôle de leur vie.
S’appuyant sur ses lectures, de Sénèque à Sylvain Tesson, en passant par Thoreau et tant d’autres, Rémy Oudghiri pense que cette déconnexion salutaire est une possibilité de se retrouver soi-même et de remettre les livres et l’esprit au cœur de notre vie.

Image de couverture de Déconnectez-vous !
Collection : Arléa-Poche
Numéro dans la collection : 253
juin 2019
240 pages - 8 €
Dimensions : 11 x 18 cm
ISBN : 9782363081964
9782363081964

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Déconnectez-vous !

Rémy Oudghiri

Une autre conséquence de l’addiction aux technologies est qu’on ne remarque plus la présence d’autrui. Les autres ont littéralement disparu de notre champ de vision. À la vérité, nous sommes trop absorbés par nos machines. Nous envoyons des photos sur Facebook ou Instagram pour les partager, nous échangeons des messages avec des individus habitant très loin ou très près de chez nous, et nous oublions du même coup que nous vivons dans le monde, nous aussi. Nous négligeons ceux qui vivent à proximité de nous.
Symptôme révélateur : une étude menée par l’université de l’Ohio a montré que près d’un millier de piétons avaient fréquenté le service des urgences de New York en 2008 à la suite d’un choc dû au fait qu’ils téléphonaient ou envoyaient des textos tout en marchant dans la rue. Les auteurs de l’étude indiquaient que ce chiffre avait doublé depuis 2006. Ces blessés d’un nouveau genre ne regardaient plus autour d’eux. Ils avaient oublié que le monde continuait à tourner. Cet « oubli » de l’humain se traduit par deux aspects frappants. D’une part, nous passons de moins en moins de temps les uns avec les autres. Et nous commençons non seulement à le constater mais également à le regretter. D’autre part, le temps que nous passons connectés prend de plus en plus une tournure marchande et commerciale. Ce n’est plus à des humains que nous nous adressons, en définitive, mais à des clients.

Moins de temps passé ensemble.
Les Français qui se connectent à internet de façon croissante sont conscients que le temps passé sur la Toile est un temps dérobé à la rencontre et à l’échange. En 2012, 71 % d’entre eux reconnaissaient qu’avec les nouvelles technologies les gens passent moins de temps ensemble. Ils étaient déjà 60 % à penser la même chose en 2006. Constat aussi amer que réaliste : la technologie est chronophage. En outre, même quand nous croyons être en compagnie des autres, nous ne sommes plus sûrs de passer ce temps ensemble.
Le témoignage de ce jeune Britannique interrogé en 2010 montre l’absurdité de certaines situations devenues désormais monnaie courante : « Ça arrive même au pub : quelqu’un vérifie son iPhone et tout à coup, tout le monde s’isole dans son iWorld, ça coupe court aux conversations. »
Étrange situation : nous sommes en train de partager un moment avec nos amis, mais les machines que nous portons avec nous ont vite fait de mettre un terme à cette expérience humaine. Très vite, les conversations cessent, et nous nous retranchons derrière la technologies. Un dessin paru dans le magazine allemand Stern, en décembre 2010, montrait tous les membres d’une famille, père, mère, grand-père, grand-mère, frère et soeur, occupés à filmer ou photographier les premiers pas du nouveau-né de la famille. Chacun était muni d’un appareil et tous se tenaient autour du petit. Ils ne vivaient pas le moment avec l’enfant, ils étaient absorbés par leurs machines. Ils n’étaient pas vraiment avec lui ; ils étaient déjà en train d’imaginer l’étape d’après – les futurs albums photos, le mur de Facebook, etc. Cette nouvelle façon d’être avec les autres, Sherry Turkle en a fait le thème central de son livre Alone Together. Ses recherches montrent que nous sommes de plus en plus seuls ensemble. Comme le jeune Britannique qui se rend au pub avec ses amis, nous sommes ensemble, mais seulement en surface. Chacun vit une vie parallèle, soucieux de répondre aux messages qui, autour de lui, tissent une toile virtuelle aussi infinie qu’inextricable. Dès qu’une occasion se présente, nous sautons dessus, comme si nous attendions un prétexte pour nous retirer de la conversation « vivante ».
Ces évolutions conduisent à nous interroger : serions-nous devenus allergiques au contact humain ? Et si l’humain dérangeait certains d’entre nous ? C’est une des hypothèses de Sherry Turkle : certaines personnes préfèrent s’en remettre à la technologie et aux robots pour éviter le contact humain. Ces personnes, réfractaires à la confrontation physique avec l’autre, « se dissimuleraient » derrière leurs écrans fixes ou mobiles et privilégieraient les messages aux face à face. Quels seraient leurs motifs ? Les témoignages recueillis montrent que certains éviteraient ainsi la déception toujours possible quand on a affaire à des êtres de chair et d’os. Dans une conversation « réelle », on peut se laisser emporter par leurs émotions. Ils peuvent réagir de façon imprévue, créant ainsi une situation embarrassante. Comment se comporter alors ? Quelle posture adopter ?
Avec la machine, rien de tel ne peut arriver.
On garde le contrôle. On décide du moment où l’on s’exprime. On choisit les bons mots. Si les choses s’enveniment, on est en mesure de temporiser. L’émotion est maîtrisée. Au fond, quand on échange des messages à distance, dans le silence du monde virtuel, on ne se trouve plus sous le projecteur intimidant de la conversation. Pour Sherry Turkle, cette stratégie d’évitement est un phénomène nouveau appelé à se développer. La société future pourrait ainsi se caractériser par une fuite croissante du contact physique au profit d’une virtualisation des rapports entre les individus.

Ils en parlent…

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Déconnectez !

Par par Héloïse Leussier