Ce que tout le monde sait et que je ne sais pas

Elena Janvier

Après Au Japon ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime, notre très heureux trio féminin, passe en revue toutes les choses qui nous font battre le coeur parmi les multiples savoirs qui tissent nos vies, en France comme au Japon, en s’appuyant cette fois sur Dame Shônagon, qui a vécu au début du xie siècle à la cour de l’ancien Japon, et tracé son quotidien, au fil du pinceau, dans ses Notes de chevet.

Elena Janvier à son tour note toutes ces choses apprises de nos pères et mères, ou au hasard des circonstances, par surprise, avec ou sans regret, lumineuses ou sombres, ou encore celles que l’on pensait insignifiantes.

Car, depuis nos premiers pas, nos premiers mots, depuis le tout début, nous ne cessons d’apprendre. De ces apprentissages successifs, innombrables savoir-faire et révélations de tous ordres, menues astuces du quotidien, bribes farfelues et sans usage ou fabuleux trésors, nous avons oublié le plus souvent leur découverte initiale.

Rendons ici hommage à celui ou celle qui nous a ainsi appris à vivre. Et rendons hommage à ce que tout le monde sait (sauf nous), comme à ce que nous savons (et qu’ils ne savent pas !). Et sachons découvrir, apprendre et rire de tout ce que nous ne savons pas (ou pas encore !)

Image de couverture de Ce que tout le monde sait et que je ne sais pas
Collection : Littérature française
avril 2013
120 pages - 16 €
Dimensions : 12,5 x 20,5 cm
ISBN : 9782363080202
9782363080202

Lire un extrait

Ce que tout le monde sait et que je ne sais pas

Elena Janvier

Les savoirs muets
J’ai appris bien des choses en lisant Robert Pinget, notamment que « Ce qui se conçoit bien ça ne s’énonce pas, ça se fait. C’est parce qu’on n’y comprend rien qu’on cause. Si on comprenait on serait trop content de se taire. » (Quelqu’un)

Il y a des choses qu’on n’a pas à apprendre. On les sait, c’est tout. A chaque fois que je dépiaute une crevette ou que je mange de l’agneau, je sais, clair comme eau de roche, que j’irai en enfer.

Leçons des mères
Quand j’étais enfant, si je demandais à ma mère de m’aider à :
 faire mes lacets
 ouvrir un pot de confiture
 attraper quelque chose tout en haut d’un placard, elle me répondait : « Comment ferais-tu si tu étais sur une île déserte ? »
J’ai appris de ma mère à penser comme Robinson Crusoë.

J’ai appris de ma mère, qui le tient de Shirley Mac Laine (Some came running, 1958), que si l’on est doté d’ongles à grandes lunules, on ne peut être tout à fait mauvais.

Leçons des filles
C’est de ma fille que j’ai appris à attirer les papillons en ouvrant et fermant les paumes l’une contre l’autre et sans bruit, en les faisant palpiter comme un battement d’ailes – les papillons eux-mêmes, sans aucun doute, lui auront dit ce secret.

Choses apprises de ses deux parents
Mon père m’a appris à voir le petit pli derrière l’oreille des chats, qui est la cachette des puces. Ma mère m’a appris à tuer les puces en les écrasant entre les ongles des pouces.

Où l’on voit que de petites choses nous en enseignent de grandes
J’ai découvert une des formes du cynisme des adultes en recevant pour cadeau de Noël un jokari, c’est-à-dire un jeu pour enfant unique à qui l’on indique en substance qu’il n’a qu’à se débrouiller seul pour se renvoyer à lui-même la balle.

Ce qu’on a nécessairement grande hâte de savoir
Florence F. a illuminé mes jours à l’école primaire, jours d’hiver et de printemps, en m’apprenant deux choses qui ne m’ont plus jamais servi à rien : se parfumer derrière l’oreille avec une petite écorce de mandarine que l’on plie entre ses doigts pour en exprimer le suc, et faire « passe-carreau », c’est-à-dire donner assez d’élan, mais pas trop non plus, à la boîte de pastilles Valda lestée de cailloux tenant lieu de palet, pour sauter exactement une case à la marelle.

Ils en parlent…

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Inventaire

Par Jacques Drillon